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›  Transformation d’un corps d’inspection générale et réforme de l’Etat. Le cas de l’IGAENR (1999-2016)

Transformation d’un corps d’inspection générale et réforme de l’Etat. Le cas de l’IGAENR (1999-2016)

  • Brunier, Sylvain (CSO – Sciences Po)

Abstract

Cette communication analyse la manière dont l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) s’est progressivement appropriée un rôle de conseil et d’accompagnement des universités à partir du milieu des années 2000. Créée en 1965, l’IGAENR est longtemps restée cantonnée à des missions de contrôle budgétaire des établissements scolaires et universitaires, d’inspection disciplinaire des personnels en cas de manquements graves, et de réflexion générale sur les politiques éducatives. Elle ne s’occupe pas de l’évaluation des enseignements scolaires, domaine qui relève de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN), ni des productions universitaires dont l’évaluation est confiée à partir de 2007 à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). L’IGAENR apparaît encore au début des années 2000 comme un corps d’inspection générale relativement peu attractif, un « corps de débouchés » qui permet notamment de gérer les fins de carrière des hauts fonctionnaires du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Recherche. Pourtant, aujourd’hui, l’IGAENR est en pleine transformation  : rajeunissement du recrutement, revalorisation des rémunérations, refonte des statuts, formalisation des méthodes de travail. Comment expliquer ce renversement en l’espace d’une dizaine d’années ?

L’enquête que je mène depuis le printemps 2015 dans le cadre d’un postdoctorat au sein de l’équipe Enseignement supérieur du Centre de sociologie des organisations vise à comprendre quels sont les ressorts du repositionnement de ce corps d’inspection au  sein de la haute fonction publique française. Elle s’appuie sur des entretiens avec les inspecteurs, des observations directes de leurs pratiques, une analyse des rapports qu’ils produisent, ainsi qu’une prosopographie de leurs trajectoires professionnelles. Cette recherche s’inscrit à la fois dans une perspective thématique qui vise à approfondir notre compréhension des politiques d’enseignement supérieur et de recherche, et dans la perspective plus globale d’une sociologie de l’administration attachée à décrire les dynamiques de recomposition de l’Etat dans le contexte du New Public Management[1]. Les premières analyses indiquent que la loi de 2007 sur la Liberté et la Responsabilités des Universités constitue un moment charnière. L’IGAENR obtient du ministère dirigé par Valérie Pécresse de réaliser les premiers audits exploratoires des établissements universitaires qui demandent leur passage aux Responsabilités et compétences élargies (RCE) qui leur assureront une véritable autonomie de gestion. Perfectionnant progressivement leurs méthodes de travail, les inspecteurs assurent les audits de passage de l’ensemble des universités françaises, puis continuent de suivre les établissements dans les années suivantes. Cette mission leur permet de se positionner comme des intermédiaires dont le rôle est de faciliter le dialogue de gestion entre l’administration centrale et les universités, et plus encore, des conseillers qui accompagnent les équipes dirigeantes des établissements pour mettre en œuvre la réforme.

[1] Je me réfère ici notamment aux travaux de Philippe Bezes et Christine Musselin.