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Les politologues en première ligne pour le cours de citoyenneté
Min Reuchamps, Président de l’ABSP, publie une carte blanche au nom du Conseil d’administration de l’ABSP. Le CA se positionne en faveur de l’introduction d’un cours de citoyenneté dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles et avance quelques propositions concrètes quant au contenu d’un tel cours.
La question de la création d’un cours de citoyenneté dans les écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles a déjà fait couler pas mal d’encre, et le débat n’est certainement pas clos. On ne peut que se réjouir qu’un tel débat puisse avoir lieu dans une société belge connue pour ses clivages ; cela témoigne d’une certaine vigueur du débat démocratique.
Au vu de certains éléments, tels le désenchantement et le regard critique des jeunes sur la politique et les institutions politiques, le déclin du nombre d’adhérents aux partis politiques ou les demandes formulées en faveur de nouvelles formes de participation, il semble pertinent d’envisager l’introduction d’un cours de citoyenneté. C’est dans cette perspective que nous avançons ci-après quelques propositions concrètes quant au contenu d’un tel cours.
Une des grandes absentes des réflexions sur le cours de citoyenneté est sa dimension proprement politique, et non pas uniquement philosophique. Bien sûr, personne ne souhaite voir se transformer les cours de citoyenneté en lieux d’affrontement politique ou en véhicules d’endoctrinement idéologique. L’école doit rester un endroit qui offre un enseignement neutre, pour reprendre l’expression consacrée dans l’article 24 de la Constitution. Cependant, la dimension politique ne se réduit pas à la politique « partisane ». Trois acceptions du terme politique sont ainsi généralement déclinées, et toutes doivent impérativement trouver leur place dans un cours de citoyenneté tout en en garantissant la neutralité.
Premièrement, le politique constitue le cadre dans lequel se déroule la politique ; il s’agit des institutions politiques, des lois et des règles du système politique. Ces règles, ainsi que le mode de fonctionnement concret de nos institutions, sont trop souvent méconnus. La plupart des jeunes atteignent leur majorité électorale au terme de leur formation obligatoire. Ils sont alors appelés à participer à la vie politique et à se prononcer sur un ensemble d’enjeux – lors d’élections, mais aussi lors de divers processus participatifs (par exemple, les consultations populaires au niveau communal). Ces jeunes se retrouvent souvent sans repère face à la complexité de nos institutions car ils ne bénéficient pas d’une connaissance approfondie de celles-ci, de leur fonctionnement ou encore des différents mécanismes de prise de décision. L’objectif d’une éducation à la citoyenneté devrait être de combler ces lacunes.
Deuxièmement, ce terme renvoie à la politique, c’est-à-dire à la gestion du vivre-ensemble, qu’elle implique les assemblées élues et exécutifs (gouvernements) du niveau communal au niveau international ou, plus largement, les syndicats et fédérations patronales, des groupes d’intérêts divers ou des associations de citoyens. Sur quelles valeurs la société doit-elle se construire ? Par exemple, certains acteurs politiques prônent un projet sociétal basé sur la solidarité entre les membres de la société ou d’un groupe particulier, alors que d’autres privilégient l’individu et sa liberté. Sans prendre parti, il est essentiel de fournir aux jeunes citoyens les clés de compréhension nécessaires pour identifier qui sont les acteurs politiques et quels sont les arguments des uns et des autres, ainsi que pour comprendre quels sont les enjeux débattus et dans quelle mesure ils affecteront leur vie quotidienne. Un vrai débat démocratique ne peut se passer d’un tel travail de compréhension des acteurs et des enjeux, qui passe par une éducation à la citoyenneté.
Troisièmement, les décisions politiques sous forme de politiques publiques (les politiques) sont le résultat d’interactions entre le politique et la politique, et elles renvoient à des choix collectifs. Comprendre la généalogie et le contenu des décisions qui ont été prises par les acteurs politiques, mais aussi évaluer leurs effets fait entièrement partie de la construction et de l’entretien de la démocratie. Il est crucial de donner à chaque citoyen les clés pour atteindre ce niveau de compréhension. Cela pourrait constituer le troisième pilier d’un cours de citoyenneté. À défaut, le risque est de créer une génération de citoyens aliénés du politique et incapables d’y prendre part.
Bien évidemment, ces trois volets sont intrinsèquement liés ; c’est leur découpage qui permet de prendre conscience des enjeux démocratiques auxquels est confrontée notre société et du rôle que chaque citoyen peut y jouer. Un cours de citoyenneté devrait donc reposer sur ces trois dimensions ; celles-ci permettraient à toutes et à tous de mieux cerner les enjeux d’une citoyenneté moderne et active dans un cadre démocratique. Dans le débat actuel, et dans la mise en œuvre de ce cours, les politologues ont certainement un rôle à jouer et l’ABSP est disposée à participer à la réflexion.
Min Reuchamps,
au nom du Conseil d’Administration de l’Association belge francophone de science politique (ABSP)
Cette carte blanche est parue dans La Libre Belgique du lundi 13 juillet 2015.