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›  Delmas C., « Les acteurs juridiques et le politique en contexte de crise. Le cas des notaires en France » (ST 15)

Delmas C., « Les acteurs juridiques et le politique en contexte de crise. Le cas des notaires en France » (ST 15)

Delmas C., « Les acteurs juridiques et le politique en contexte de crise. Le cas des notaires en France » (ST 15)

Corinne Delmas (Université Lille 2, France)

Cette communication se propose d’éclairer les relations entre les acteurs juridiques et la sphère politique française dans un contexte de crise en orientant la focale sur la profession notariale. S’inscrivant dans une recherche en cours, documentaire, par observations et entretiens, elle interrogera la façon dont la libéralisation structure cet espace et comment cette profession se mobilise afin d’anticiper plusieurs projets de réforme, dans une configuration de plus en plus concurrentielle. S’inscrivant dans l’axe 1 de la section thématique, elle interrogera particulièrement la position et le rôle paradoxalement renforcés de ces officiers ministériels qui, délégataires d’une parcelle de l’autorité publique et titulaires d’un office faisant partie intégrante de leur patrimoine, présentent également la particularité d’être des professionnels libéraux.

Les modalités de leur exercice professionnel ont pris une envergure nouvelle avec la construction européenne initiée après la Seconde Guerre mondiale et qui s’est affirmée au cours des années 1980 et 1990. Ces professions ont été aiguillonnées par ces évolutions ; ils le sont également, aujourd’hui, par la libéralisation et le recours croissant aux mécanismes de marché en tant que solution alternative à la prestation de service public (dont rend compte par exemple le rapport Attali de 2008). Plusieurs rapports (dont le rapport Darrois), réformes législatives ou projets de réformes (par exemple sur les activités judiciaires et juridiques, le divorce, les actes authentiques…) font par ailleurs peser une menace sur la profession et renforcent la concurrence avec d’autres professionnels du droit (dont les avocats). S’ajoutent les coups de buttoirs européens, dont un arrêt du 24 mai 2011 de la Cour de justice européenne, selon lequel l’activité des notaires ne comporte pas, de participation à l’exercice de l’autorité publique au sens de l’article 45, 1er alinéa CE. Ces menaces pèsent dans un contexte où les notaires se présentent comme particulièrement touchés par la crise de 2008 et ses conséquences, dont le reflux de l’activité immobilière qui aurait contribué à faire reculer fortement les résultats de la profession et à en réduire les effectifs – ces licenciements suscitant toutefois des analyses contrastées au sein de la profession.

Pendant longtemps, les notaires ont essentiellement développé des stratégies de transmission intrafamiliale et intergénérationnelle de leurs études et ont eu pour souci de conforter leur position hybride. Aujourd’hui, ils mettent en oeuvre des stratégies nouvelles orientées à la fois vers la préservation de leurs privilèges, l’extension de la gamme des services proposés (le plus souvent hors monopole) et l’exportation de leur statut, ce qui leur a permis de renforcer leur légitimité auprès des instances politiques. Le contexte de crise a finalement contribué à renforcer les liens entretenus par cette corporation avec ses autorités de tutelle et certains de ses interlocuteurs au sein de l’Etat. Il justifie également un argumentaire alarmiste développé par certaines instances représentatives de la profession (dont le Conseil supérieur du Notariat) tout en lui ouvrant potentiellement de nouveaux marchés. Il renforce enfin paradoxalement l’autorité d’une profession mettant en avant ses spécificités dans un contexte qui se caractériserait par un besoin renforcé de sécurité juridique.

Section thématique 15 : Les acteurs juridiques et le politique en contextes de crise
Session unique, jeudi 10 avril 2014, 10h00-12h3