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›  ST 19 | La judiciarisation de la solidarité : résistances, répression et apprentissages 

ST 19 | La judiciarisation de la solidarité : résistances, répression et apprentissages 

Responsables de la ST : 

  • Léa LEMAIRE (Université du Luxembourg) – lea.lemaire@uni.lu
  • Annalisa LENDARO (Université Toulouse 2) – annalisa.lendaro@univ-tlse2.fr
  • Sarah SAJN (SciencesPo Aix) – sarahsajn@hotmail.com
  • Julie RANNOUX (SciencesPo Aix) – julie.rannoux@gmail.com

Appel à communications : 

Face à l’affaiblissement des systèmes de solidarités publiques (Paugam, 2015, Aguilera & Rouzeau 2020) et au durcissement des frontières de l’État social (Duvoux 2012, Fassin 2013), des pratiques de résistance se sont développées tantôt pour « pallier » à l’exclusion de certains groupes sociaux, tantôt pour porter des modèles alternatifs de solidarité. Parmi elles, les expériences des villes sanctuaires, des ZAD, de mouvements en faveur des exilé.e.s, de mouvements étudiants, de collectifs écologistes, antiracistes, contre les violences policières (Babels 2019, Broqua 2005, Della Porta 2018, Furri 2017, Lendaro 2020, Vidalou 2017,). Or, certaines de ces pratiques de solidarité impliquant des personnes exclues, discriminées ou illégalisées font l’objet de controverses juridiques.

Cette section thématique s’intéressera à la judiciarisation (Commaille & Dumoulin 2009) des pratiques de solidarité dans le but d’identifier les tensions contemporaines entre différentes visions de l’État, de la justice, et de leurs prérogatives. Il s’agit de considérer le champ judiciaire (Willemez 2015) comme une arène investie par des acteurs aux statuts variés – procureurs, avocats, collectifs militants, etc.- qui interagissent voire s’affrontent dans le but de définir ce qui est légitime et ce qui devrait être légal (Lejeune et Orianne 2014) en termes de solidarité. Cette approche relationnelle vise à appréhender les dynamiques de transformation de ces résistances dans leur confrontation avec la justice.

Nous proposons d’enrichir les réflexions sur les rapports entre droit et mouvements sociaux (McCann, 2006), selon deux axes principaux.

Le premier axe vise à mieux comprendre les logiques (politiques, judiciaires, médiatiques, sociales) qui guident la répression (Codaccioni 2019), ou au contraire l’absolution, des pratiques de résistance par la solidarité. Certaines pratiques peuvent faire l’objet de mesures dissuasives ou de poursuites au pénal (Doherty et Hayes 2012, Slama 2017, Vanhala 2010). Il s’agira entre autres de répondre aux questions suivantes :

  • Sur quelles bases et arguments juridiques, voire politiques, les poursuites reposent-elles? De quelles façons le contexte politique, social, économique influe-t-il sur la judiciarisation des formes de solidarité?
  • Qui sont les groupes et les individus poursuivis et/ou condamnés ? Comment leurs biographies, leur statut administratif, leur capital social, économique, et culturel, sont convoqués le long du processus judiciaire?
  • Quelles sont les pratiques de solidarité criminalisées et/ou condamnées? Quel rôle jouent les discours et revendications, les formes de politisation, les stratégies de médiatisation dans le traitement judiciaire?
  • Enfin, quelles sont les jurisprudences qui émergent?

Le second axe vise à appréhender les formes d’adaptation, d’évolution, d’apprentissage que les collectifs et les individus expérimentent dans leur confrontation à la justice. En effet, dans les milieux militants et protestataires, la connaissance et la mobilisation du droit semblent de plus en plus répandus (Gaïti et Israël 2003). Ainsi, nous nous demanderons :

  • Ce que l’expérience des procès fait aux personnes criminalisées et aux personnes exclues revendiquant des droits (au séjour, au logement, à la santé)?
  • Quid de l’influence du droit et de ses codes (langagiers, spatiaux…) sur les formes de protestation et de résistance des protagonistes des mouvements sociaux ?
  • Comment et par qui le procès est-il utilisé comme une arène politique ?
  • Comment et avec l’aide de qui (professionnels du droit, juristes…) les militant.e.s tentent de faire tenir ensemble une stratégie de lutte par le droit, notamment via le contentieux, avec une critique des institutions?

Cette session thématique encourage les propositions consacrées à ces deux processus de répression et d’utilisation du droit par les militant.e.s sans pour autant les opposer dans l’analyse. Nous nous intéressons particulièrement aux études de cas, qu’elles soient locales, nationales, internationales et/ou comparatives ou socio-historiques.


The judicialization of solidarity: resistances, repressions and learnings

Given the weakening of public solidarity systems (Paugam, 2015, Aguilera & Rouzeau 2020) and the decline of the welfare state (Duvoux 2012, Fassin 2013), resistance practices have developed. They aim to « compensate » for the exclusion of certain social groups and/or to support alternative models of solidarity. Among them are the experiences of sanctuary cities, ZADs, movements in favor of exiles, student movements, environmentalist, anti-racist, and against police violence collectives (Babels 2019, Broqua 2005, Della Porta 2018, Furri 2017, Lendaro 2020, Vidalou 2017). However, some of these solidarity practices involving excluded, discriminated or illegalized populations are the subject of legal controversies.

This thematic section will focus on the judicialization (Commaille & Dumoulin 2009) of solidarity practices in order to identify the contemporary tensions between different visions of the State, justice, and their prerogatives. The judicial field (Willemez 2015) is seen as an arena where actors with various statuses – prosecutors, lawyers, activist groups, etc. – interact and/or fight in order to define what is legitimate and what should be legal (Lejeune and Orianne 2014) in terms of solidarity. This relational approach aims to apprehend the dynamics of transformation of these resistances in their confrontation with justice.

We propose to enrich the reflections on the relationship between law and social movements (McCann, 2006), along two main lines.

The first one aims to better understand the logics (political, judicial, media, social) that guide the repression (Codaccioni 2019), or on the contrary the absolution, of practices of resistance through solidarity. Some practices may be subject to deterrent measures or criminal prosecution (Doherty and Hayes 2012, Slama 2017, Vanhala 2010). This could include the following questions:

  • What are the legal and even political grounds and arguments for prosecution? In what ways does the political, social and economic context influence the judicialization of solidarity?
  • Who are the groups and individuals prosecuted and/or convicted? How their biographies, their administrative status, their social, economic and cultural capital influence the judicial process?
  • What practices of solidarity are criminalized and/or condemned? How discourse, claims, forms of politicization as well as media strategies influence the judicial process?
  • Finally, what jurisprudence is emerging?

The second one aims to understand the forms of adaptation, evolution and learnings that collectives and individuals experience in their confrontation with justice. Indeed, in activist and protest networks, knowledge and mobilization of the law seem to be more and more widespread (Gaïti and Israel 2003). Thus, the following questions could be considered:

  • How the experience of trials impacts criminalized and excluded populations who claim rights (permission to stay, access to housing or health)?
  • What about the influence of the law and its codes (linguistic, spatial…) on the forms of protest and resistance of the protagonists of social movements?
  • How and by whom is the trial used as a political arena?
  • How and with whose help (legal professionals, jurists…) do activists try to hold together a strategy of struggle through law, especially through litigation, with a critique of the institutions?

This thematic session encourages proposals focusing on these two processes of repression and use of the law by activists without opposing them in the analysis. We are particularly interested in case studies, be they local, national, international and/or comparative or socio-historical.