loader

›  Construire l’action publique et rendre des comptes : les cas d’opérateurs privés et publics de l’emploi

Construire l’action publique et rendre des comptes : les cas d’opérateurs privés et publics de l’emploi

  • Beuker, Laura (ULg)
  • Gérard, Julie (ULg)

Abstract

Depuis 1997, les instances européennes jouent un rôle-clé dans l’orientation et la coordination des politiques publiques pour l’emploi au sein des États-membres via la Stratégie Européenne pour l’Emploi (Amparo Serrano et al., 2012). Cette stratégie impulse des orientations en matière d’emploi dont doivent « tenir compte » les États-membres. Plutôt qu’un mécanisme coercitif, cette stratégie est en quelque sorte une « politique des idées » (Gérard, Orianne & Beuker, 2014) qui propose une « vision » de ce que doivent être les politiques de l’emploi, à travers la formulation de référentiels d’action publique (flexicurité, vieillissement actif, employabilité, etc.).

Chaque année, les États-membres doivent rendre des comptes sur l’atteinte d’objectifs et leurs réponses aux recommandations adressées par la Commission. Pour ce faire, la stratégie accorde une importance à l’étalonnage comparé des politiques de l’emploi nationales selon une liste d’indicateurs (Salais, 2003). En Belgique, l’agrégat de ces indicateurs repose sur un dialogue entre les autorités fédérales, les Régions et les Communautés.

Dans cet article, nous allons prêter une attention particulière aux conflits de référentiels d’action publique dans le champ de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, qui reposeraient sur la production d’indicateurs chiffrés. Depuis l’implémentation de la Convention 181 de l’Organisation Internationale du Travail, les Services Publics de l’Emploi ont perdu le monopole de placement des demandeurs d’emploi et ont connu une externalisation partielle de leurs services vers des opérateurs privés (Béraud et Eydoux, 2009). Pour mener à bien leur mission, tant les opérateurs privés, que publics doivent rendre des comptes sur leurs pratiques. Sur la base d’une recherche empirique qualitative menée en Fédération Wallonie-Bruxelles auprès d’un prestataire privé et d’un public, nous montrerons que le travail relationnel d’accompagnement réalisé par ces acteurs est résumé par des chiffres et de la saisie de données, rendant de la sorte invisible leur cœur de métier. Les tensions inhérentes à leur métier, que nous mettrons en exergue, seraient alors la traduction in concreto de ce conflit entre l’intentionnalité d’une politique publique et la mesure de son efficacité.