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›  L’impact du transfert de l’autorité de gestion du FEADER sur la régulation du secteur de l’agriculture biologique. Les cas de l’Auvergne et de la Bretagne

L’impact du transfert de l’autorité de gestion du FEADER sur la régulation du secteur de l’agriculture biologique. Les cas de l’Auvergne et de la Bretagne

  • Sénégas, Léa (Doctorante au CRAPE Arènes – Université Rennes 1 ; EHESP ; IEP de Rennes)

Abstract

Le secteur agricole est un des premiers secteurs d’action publique intégré à l’échelle européenne. En effet, la Politique Agricole Commune dessinée lors du traité de Rome de 1957 entre en vigueur dès 1962. Elle met en place un système de soutien et de régulation des prix dans un objectif de modernisation de l’agriculture pour atteindre l’auto-suffisance alimentaire. Cependant, dans les années 1980, les différentes crises économiques, environnementales et sanitaires que connaît l’agriculture vont élargir le mandat professionnel (F Goulet, 2007). La multifonctionnalité de l’agriculture qui ne doit plus seulement produire mais également entretenir les paysages, assurer de la santé des citoyens et développer l’économie des territoires ruraux, est reconnue par la mise en place à la fin des années 1990 d’un second pilier de la PAC. Celui-ci regroupe les mesures agro- environnementales, des aides aux régions rurales défavorisées mais aussi les aides à l’agriculture biologique (Fouilleux, 2000). Une grande partie de ces aides sont territorialisées car leur octroie dépend des particularités géographiques. Cependant, dans un premier temps en France, la gestion de ce fonds européen reste national. Ce n’est qu’en 2013, après d’âpres négociations entre l’Etat, le syndicalisme agricole et l’Association des Régions de France, que la gestion de ces fonds est transférée aux Régions. En France, cette évolution bouscule la régulation traditionnelle du secteur. En effet, celui ci est régulé depuis les années 1960 par une Co gestion entre l’État et le syndicat majoritaire (Muller et Jobert, 1987). Cette Co-gestion s’organise localement à l’échelle départementale par une coopération entre les services de l’État et les chambres d’agriculture.

Dans cette communication, il s’agira d’étudier l’impact de cette dernière évolution sur les politiques infra-nationales en faveur de l’agriculture biologique. Nous nous appuyons pour ce faire sur une enquête qualitative menée en région Bretagne et Auvergne.

Dans un premier temps, il semble que ce transfert vient renforcer un mouvement de régionalisation de la régulation du secteur agricole dans le domaine de l’AB. Ainsi le FEADER apparaît comme un outil de renforcement de la capacité politique (Pasquier, 2012) de l’institution Régionale ce qui rebat les équilibres institutionnels. Cependant, les cadres européens et nationaux constituent des freins à l’autonomie régionale. En outre, sur le terrain la faiblesse des services techniques régionaux dénote un phénomène de path dependancy qui favorise les services de l’État au détriment de l’institution Régionale. Le transfert d’autorité de gestion n’est pas toujours suivi par un transfert  de personnels, qui permettrait d’assurer le fonctionnement interne des services.

S’il apparaît que le mouvement de régionalisation induit par le transfert de la gestion du FEADER aux Régions est moins important qu’on aurait pu le supposer, cette évolution vient tout de même entériner l’institutionnalisation d’une scène de régulation régionale de l’agriculture biologique autour des représentants territoriaux des agriculteurs biologiques, des services de la Région et des acteurs de la Co-gestion, en Auvergne comme en Bretagne. Cependant, la réception de ce mouvement par les principaux intéressés à savoir les agriculteurs biologiques, est ambiguë. D’un côté, cette régionalisation des fonds apparaît comme une opportunité pour les représentants des agriculteurs biologiques car la régionalisation de la scène de régulation de l’AB leur confère une place plus importante aux côtés des acteurs de la Co -gestion. D’autre part, des craintes sont apparues quant à la possible différenciation régionale de l’octroie des aides. En effet, le plafond des aides n’est plus fixé à l’échelle nationale mais à l’échelle régionale. Enfin, la régionalisation, que renforce le transfert du FEADER, peut apparaître comme une re-centralisation des enjeux à l’échelle régionale intermédiaire. Elle est fortement critiquée par certains agriculteurs biologiques d’autant plus dans une région comme l’Auvergne par exemple où il existe de fortes disparités territoriales dans le secteur agricole le département de l’Allier et les territoires du Sud.

Ainsi il semble que la régionalisation de l’autorité de gestion du FEADER contribue à la modification des rapports de force entre les différents protagonistes du secteur agricole.