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›  Dénoncer ou sous-traiter les papiers ? La complexité bureaucratique de la Politique agricole commune et ses prises en charge locales : une comparaison France-Espagne

Dénoncer ou sous-traiter les papiers ? La complexité bureaucratique de la Politique agricole commune et ses prises en charge locales : une comparaison France-Espagne

  • Mesnel, Blandine (Doctorante en science politique, Sciences Po Paris – Centre d’études européennes (CEE))

Abstract

Le verdissement de la Politique agricole commune (PAC) amorcé dans les années 1990 s’appuie principalement sur le recours à des mécanismes de conditionnalité : le versement des subventions européennes aux agriculteurs est soumis au respect par ces derniers de normes et de standards environnementaux prédéfinis. En conséquence, le travail bureaucratique relatif à la constitution, au traitement et au contrôle de chaque dossier de demande d’aides PAC a fortement augmenté, ce qui a donné lieu à l’émergence de formes locales variées de prise en charge bureaucratique, faisant intervenir des acteurs publics et privés.

Comment saisir ces prises en charge et leurs effets à la fois sur les rapports de pouvoirs locaux et sur la réception de la PAC ?

Cette communication se propose d’y réfléchir à partir d’une comparaison entre deux situations contrastées : celle d’un département français et celle d’une province espagnole. Les enquêtes menées ont consisté en des entretiens individuels et collectifs (36 en France, 40 en Espagne) avec un échantillon diversifié d’agriculteurs et d’acteurs locaux de la mise en œuvre de la PAC (administrations, syndicats, organisations professionnelles), des analyses documentaires et des observations.

Je mobilise la notion de « médiation bureaucratique » pour mettre en évidence deux configurations de prise en charge collective des dossiers, et la manière dont elles affectent les objectifs et les intérêts des acteurs impliqués. Je me focalise ensuite sur le cas des syndicats pour montrer que la complexité bureaucratique fonctionne certes comme un facteur de déstabilisation mais aussi comme une ressource syndicale, ce qui affecte différemment les socialisations collectives à la PAC dans les deux pays en fonction de la manière dont cette ressource est mobilisée.

En Espagne, j’identifie un modèle paternaliste de gestion des documents, où la sous- traitance du travail bureaucratique par des acteurs tiers (dont les syndicats) contribue à sa normalisation mais aussi à sa relégation au statut de « mascarade bureaucratique ». J’observe en France un modèle plus pédagogique, où les bénéficiaires réalisent souvent leurs démarches seuls et difficilement malgré l’offre de formations collectives, ce qui favorise l’émergence (encouragée par les syndicats) d’un problème public de « surcharge administrative ».