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›  La « ruecratie », modalité pertinente de réinvention citoyenne de la démocratie en Afrique ?

La « ruecratie », modalité pertinente de réinvention citoyenne de la démocratie en Afrique ?

  • Bille Kome, Daniel Claude (Université Jean Moulin Lyon 3)

Abstract

Traiter de la démocratie en Afrique ne relève pas d’une illumination singulière, tant les travaux sur la question foisonnent, notamment depuis les années 90, marquées par le vent de démocratisation qui a traversé le continent. Seulement, la consolidation du « cratos » (pouvoir) du « dèmos » (peuple) en Afrique continue à susciter les débats les plus nourris, le continent-berceau de l’humanité demeurant cloisonné à la remorque des avancées démocratiques mondiales. C’est ainsi que, pour les uns, la démocratie reste un « luxe » pour les pays africains, n’étant pas une priorité et une pré-condition pour le développement ; pour les autres, la démocratie n’est manifestement pas compatible avec l’ontologie et l’anthropologie politiques profondes du continent. Ce pessimisme démocratique observé dans moult cénacles savants et populaires africains ne doit pas occulter le fait qu’un renouveau démocratique est en train de prendre corps sur le continent, à travers ce qu’il est convenu d’appeler la « ruecratie ». A travers ce néologisme, il s’agit de décrire un phénomène d’investissement matériel et symbolique de l’espace de la rue par des citoyens désireux de provoquer et d’impulser le changement politique à l’intérieur de leurs sociétés politiques respectives. Une telle modalité de réappropriation du politique et du pouvoir par le peuple semble désormais séduire les jeunesses africaines, dans un contexte où le verrouillage institutionnel sous couvert de « démocratie représentative » inhibe la capacité des peuples africains à participer de manière décisive et persuasive à la gestion des affaires de la « polis » (cité). Partant des événements qui ont conduit à l’éviction du président burkinabé Blaise Compaoré en 2014, la présente communication entend questionner la pertinence théorique et sociologique de la ruecratie comme modalité à la fois de réinvention populaire de la démocratie en Afrique, de réappropriation de la gestion du pouvoir et de la gouvernance politique par des citoyens posés ici en contre-pouvoirs, mais surtout en acteurs des « innovations démocratiques ». Par ailleurs, il est nécessaire de procéder à une problématisation évaluative de l’efficacité et de l’impact politiques concrets de ce phénomène qui entend réenchanter et renouveler la démocratie en Afrique.