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L’Etat en toutes (inter) dépendances

Organisateurs

  • Vercauteren, Pierre (UCL-Mons)
  • Verjans, Pierre (ULg)

Abstract

Les recherches menées ces dernières années sur la question de la gouvernance sous ses différentes formes font apparaître deux trajectoires qui, d’une manière différente conduisent à faire retour sur la question de l’Etat, voire sur la notion d’Etat elle-même dans le monde actuel, dans un sens qui interroge le politologue: (inter)dépendance de l’Etat ou des Etats. En effet, la notion de gouvernance peut renvoyer à une représentation de la décision, comme plurielle, collective, séquentielle, qui dans tous les cas interpelle les cadres d’analyse du pouvoir et notamment du pouvoir d’Etat. Elle peut aussi renvoyer à une analyse critique de la décision elle-même, considérée ici comme non détachable de sa forme. Il s’agit alors d’établir un lien entre pouvoir d’Etat et les représentations dont il est porteur. Dans les deux cas, il semble que l’émergence de la notion de gouvernance mette à bas l’un des modes traditionnels de représentation de l’Etat comme Etat souverain, sur le plan interne comme sur le plan externe, que cette représentation soit théorique ou historique. En tant que telle, la déconstruction de la souveraineté a déjà été pensée (voir notamment Badie, 1999), mais ce que donne à voir la notion de gouvernance va plus loin.
Car cette question de la gouvernance dépasse le constat radical et souvent dépourvu de neutralité axiologique , d’un « dépérissement de l’Etat » (commun à la fois au courant libéral et néo-marxiste), ou au contraire celui d’une réaffirmation de sa « puissance » (courant dit réaliste) à moins que ce ne soit de son « échec » (Chemillier-Gendreau, 2013). Elle permet soit de démythifier la notion même de souveraineté, interne ou externe, soit d’en approfondir l’étude en la relativisant ou en relativisant l’Etat lui-même (Badie, 2013) en particulier par la mise en évidence de l’(inter)dépendance et des transformations de la nature et de l’exercice du pouvoir dans l’Etat ou des Etats. Dans un sens qui lui est propre, mais qui peut illustrer le propos, Bertrand Badie constate ainsi que désormais « nous vivons dans un monde interdépendant, et nous sommes passés d’une confrontation interétatique à une coexistence des nations » (Badie, 2013), d’où la nécessité pour lui de procéder par inclusion et non exclusion des acteurs non étatiques, notamment dans les organisations internationales.
On formulera néanmoins ici l’hypothèse que les Etats sont et ont toujours été (inter)dépendant, à des degrés divers, même si cette (inter)dépendance varie dans l’espace et dans le temps, tout en considérant que l’(inter) dépendance des Etats ne contredit pas obligatoirement la notion de souveraineté, même si elle en relativise nécessairement la portée.
Dans ce cadre, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’(inter)dépendance est l’expression d’une appartenance et d’une participation de(s) l’Etat(s) au processus de pouvoir ? Le terme d’« expression » peut se décliner de différentes manières : « permettre de » participer, « encadrer » la participation …
De même, l’appartenance signifie-t-elle ou induit-elle la participation et inversement ? Dans l’UE contemporaine, la participation des Etats-membres ne coïncide pas nécessairement avec le sentiment d’appartenance, comme la citoyenneté et la nationalité ne sont plus liées depuis le traité de Maastricht, comme le Brexit ou des colères sociales illustrent la mise en avant d’une appartenance nationale et d’une interdépendance européenne perçue alors comme traumatisante et exogène.
– Le niveau international : interdépendance versus participation ?
Les Etats faibles, considérés parfois comme faillis, agissant au nom de leur souveraineté sont parfois limités par l’ingérence d’Etats plus forts, s’imposant dans leur gouvernance. Des Etats puissants, ayant contracté des engagement internationaux contraignant se voient limités dans leur politique, intérieure ou extérieure. Parfois, une déresponsabilisation en cascade permet à des décideurs politiques qui ont construit des normes à un niveau intergouvernemental de dénoncer les instances où ils ont eux-mêmes siégé pour se présenter à l’opinion publique comme victimes d’une technocratie aveugle et insensible.
Le contexte contemporain est caractérisé par le dépassement du mythe initial selon lequel Etats seraient des entités équivalentes (unit-like) de par leur égale souveraineté dans un système anarchique et de par les fonctions qu’elles sont supposées assurer. Quel que soit leur statut – hyperpuissance, puissance en émergence, révisionniste, en désintégration ou faillis, ou encore menacés par le réchauffement climatique… – les Etats sont pris dans dynamiques d’interdépendance qui limitent drastiquement leur capacité d’action et démultiplient leur vulnérabilité. Mais là où cette interdépendance est gage d’appartenance et de participation à un système international désormais plus complexe, elle peut devenir un marqueur de déresponsabilisation, d’exclusion ou de stigmatisation prononcée pour d’autres. Dès lors, il est intéressant d’étudier la diversité des manifestations de l’interdépendance et de pouvoir en les analysant au travers du prisme de leur participation aux dynamiques collectives de la gouvernance ou bien de leur exclusion, et partant ce que cela peut traduire en terme d’appartenance à la collectivité internationale.
– Le multiniveau : domination ou interdépendance ?
Le multiniveau s’apparente à une image : celle d’un immeuble ou d’une construction verticale, avec des étages qui font partie d’un tout qui néanmoins les domine. La question de l’interdépendance réinterroge celle de la domination dans la gouvernance multiniveaux en mettant en évidence le rôle joué par les parties à l’intérieur du tout. L’actualité la plus récente en matière de gouvernance européenne pourrait l’illustrer de manière topique (« Brexit », Grèce…). Les contributions de ce panel devrait contribuer à éclairer ce qui peut s’apparenter à une relecture de la gouvernance multiniveau à l’aune de l’interdépendance des Etats et dans l’Etat.
– Le national/local : la subsidiarité revisité à l’aune de l’interdépendance.
L’autonomie implique la coopération. C’est pourquoi, l’autonomie nationale ou locale, dont jouissent tous ceux qui sont « autrui » par rapport à l’Etat (collectivités locales, « société civile organisée »…) s’accompagne nécessairement de dépendances et d’interdépendances à son égard sur le plan politique, humain, technique ou financier. Inversement, on peut défendre l’idée que l’Etat ne peut agir que par ces instances qui constituent des relais de sa gouvernance. En cela la gouvernance nationale/locale est déjà une gouvernance multiniveaux. La question se pose de savoir comment on peut l’analyser. Ne convient-il pas, par exemple, d’inverser le prisme de l’analyse en réinterrogeant notamment les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales ou entre l’Etat et la société civile, non pas pour mettre en évidence l’autonomie mais bien plutôt la relation ou l’interdépendance que sous-tend la subsidiarité ?

Programme

Panel A – Lundi 3 avril, 10h-12h30 – 18 (bât.D – 1er étage)

Président : Philippe Vincent (ULg) ; Discutant : Sergiu Miscoiu (Université de Cluj- Napoc)

 

Panel B – Lundi 3 avril, 14h-16h30 – 18 (bât.D – 1er étage)

Président : Pierre Vercauteren (UCL); Discutant : Philipe Poirier (U Luxembourg)

 

Panel C – Mardi 4 avril, 9h30-12h : de la Belgique à l’Europe : enjeux de l’interdépendance – 211

Président : Yves Palau (UPEC); Discutant : Pierre Verjans (ULg)