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L’éclatement de l’Espagne est-il certain ?

  • Trépier, Cyril (Docteur en Géographie, chercheur au CRAG de l’Université Paris 8 / chargé de cours à l’Université de Cergy-Pontoise)

Abstract

Habituellement désignée comme quasi-fédérale malgré une Constitution interdisant le fédéralisme, l’Espagne a passé huit mois sans nouveau gouvernement central de l’hiver 2015 à l’automne 2016. Cette crise s’est ajoutée à celle, toujours ouverte, du projet officiel d’indépendance catalane, que défendent le gouvernement autonome et plusieurs formations politiques et associations depuis 2012.

Le projet d’Espagne fédérale fut notamment conçu en Catalogne au XIXe siècle, mais les principales formations qui s’en réclament aujourd’hui, le PSC en Catalogne et le PSOE pour toute l’Espagne, sont très fragilisées par les scandales, cinq ans de défaites électorales successives, et les déchirements internes. Longtemps, la compétition électorale espagnole fut dominée par les socialistes du PSOE, voyant dans la Constitution de 1978 un point de départ, et des conservateurs du PP y voyant un point d’arrivée. Le douloureux cocktail de la crise de 2008, des politiques d’austérité et des multiples scandales de corruption changea la donne : PP et PSOE concentrent 63,4 % des députés au Congrès de Madrid depuis juin 2016 contre 84,5 % en 2011.

En outre, l’alliance PSC-PSOE, nouée dès la Transition, pourrait éclater après le refus des élus socialistes catalans de s’abstenir au Parlement espagnol avec le PSOE pour permettre une nouvelle investiture comme président du gouvernement de Mariano Rajoy, leader du PP, fin novembre 2016. Face à lui, les formations explicitement pro-indépendance sont majoritaires en sièges au Parlement catalan avec 72 députés en tout sur 135 sièges, mais pas en voix, puisqu’elles ont totalisé 47,8 % des suffrages. L’exceptionnelle mobilisation du scrutin catalan du 27 septembre 2015 vint notamment des opposants à l’indépendance. Fort de sa majorité en sièges, le gouvernement catalan de Carles Puigdemont a officiellement lancé un « processus constituant » prévoyant la création d’institutions d’État concernant notamment la Sécurité sociale, la fiscalité, et la défense. Il prévoit également d’ici septembre 2017 un référendum d’autodétermination contraignant à ce jour inédit, après la consultation non référendaire et sans valeur légale du 9 novembre 2014. Dans ce contexte incertain, les nationalistes catalans ont beau jeu d’annoncer l’échec d’un fédéralisme espagnol auquel tous n’ont pas réellement cru. Mais, est-ce l’unique scénario possible ?