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l’IGF, cabinet de conseil ou conseillère du Prince ?

  • Célérier, Laure (CEMS-EHESS)

Abstract

Créée par réformes successives au XIXème siècle pour veiller à la bonne tenue des caisses des organismes et centres collecteurs de deniers publics, l’Inspection Générale des Finances (IGF) a vu ses fonctions et ses rôles se diversifier au fil des ans. Elle serait devenue au début du XXIème siècle, à en croire Philippe Bezès, « un super cabinet d’audit et de conseil » (Bezès 2008) ou bien, selon  Nathalie Carré de Malberg « un  McKinsey du secteur public » (Carré de Malberg et Margairaz 2013). Ce sont ces assertions que notre communication questionne.

A partir d’une observation participante de cinq mois menée à l’IGF entre février et juin 2013 et de cinquante entretiens semi-directifs, nous étudions le rôle et le positionnement de l’IGF, à l’aune de sa double identité de grands corps d’Etat administratif et de service de contrôle. Recrutant ses effectifs à la sortie de l’ENA, l’IGF est en concurrence avec la Cour des comptes et le Conseil d’État, pour l’embauche des étudiant-e-s les mieux classé-e-s de l’école. Rattachée au ministère du Budget, l’IGF est pourvue de prérogatives autorisant son intervention dans l’ensemble des ministères et qui appuient sa domination par rapport aux autres services de contrôle de l’administration.

La comparaison de l’IGF à un cabinet de conseil et d’audit nous semble tout d’abord simpliste. D’une part, si le service affiche un positionnement sur des activités de conseil, celui-ci s’accompagne de revendications majoritaires d’un métier non pas tant de consultant-e mais plutôt de conseillère-er du Prince, ancré dans l’histoire de l’IGF et distinguant cette dernière des autres services de contrôle. D’autre part, nous identifions un rejet affiché des activités dites d’audit, associé à une position ambivalente vis-à-vis de l’activité traditionnelle de vérification: cette dernière, devenue marginale dans l’ensemble des activités du service, concurrencée par l’audit interne d’autres services de contrôle, n’en joue pas moins un rôle déterminant dans la culture du corps. L’assimilation des méthodes de travail de l’IGF à celles d’un cabinet de conseil nous paraît ensuite erronée. Le contexte administratif et le mode de fonctionnement du service – que les jeunes énarques sont appelé-e-s à quitter au bout de quelques années –, entravent pour plusieurs raisons l’application de méthodes standardisées. Si ces dernières font l’objet de désaccords au sein de l’IGF, entre partisan-e-s et détractrices-eurs d’un renouvellement méthodologique inspiré de pratiques assimilées au secteur privé, c’est une approche de réformisme modéré qui semble aujourd’hui l’emporter. Cette approche repose sur la recherche simultanée d’une imitation et d’une distinction vis-à-vis des consultant-e-s, qui poursuit le double objectif de maintenir l’attractivité et la domination du corps, dans un environnement en mutation marqué par les transformations des activités des services ministériels de contrôle et la concurrence des cabinets de conseil, et de conserver une identité d’inspectrice-eur.