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La dialectique du projet – Entre contrainte et autonomie

  • Dormont, Thomas (Université catholique de Louvain – Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication (ESPO-Mons))

Abstract

La présente communication se propose d’étudier les pratiques au départ desquelles les inspecteurs de l’Aide à la jeunesse en Belgique francophone tentent d’orienter les actions des opérateurs privés. L’analyse porte exclusivement sur le secteur de l’Aide à la jeunesse et focalise son attention sur l’usage par l’administration d’un instrument d’action publique (Lascoumes et Le Galès, 2004) intitulé : « Projet éducatif individualisé ». Plus précisément, quel mode d’organisation des pratiques suscite-t-il chez les équipes pluridisciplinaires dont le rôle est d’intervenir directement auprès des jeunes et de leurs familiers dans les limites du mandat établi par l’autorité publique ? Ces équipes appartiennent à des services privés, agréés et subventionnés par les pouvoirs publics. L’exercice de leur travail est régi par un code de déontologie, défini par la loi et soumis au contrôle des autorités publiques par l’intermédiaire d’une équipe d’inspecteurs employés par la Direction générale de l’administration de l’Aide à la jeunesse. La mission de l’inspection est de vérifier la conformité des services et d’orienter leurs pratiques. S’il est aisé pour un inspecteur de constater la bonne tenue des dossiers, l’administration dispose-t-elle pour autant de moyens pour intervenir dans l’espace caché de la relation entre un jeune et un travailleur social ? L’hypothèse mise en oeuvre dans cette recherche considère que la fonction du Projet éducatif individualisé n’est pas d’offrir aux inspecteurs une prise supplémentaire au contrôle bureaucratique, l’instrument renforce une autre forme de contrôle fondée sur l’articulation d’une double injonction à l’authenticité et à la participation (Martuccelli, 2004) adressée aux travailleurs sociaux. En effet, étant donné les problèmes – essentiellement de nature éthique – soulevés par la question de l’évaluation des outputs dans le cadre de l’Aide à la jeunesse et l’impossibilité matérielle de contrôler l’ensemble des comportements des intervenants, la démarche projet initiée au travers de la mise en oeuvre de l’instrument a pour « vocation d’affirmer des identités d’action, de pérenniser des groupes d’acteurs solidarisés par le partage des mêmes objectifs » (Pinson, 2004, p. 201). Cette forme de contrôle offre une alternative pour orienter les conduites là où le regard de l’administration ne porte pas.