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› « La langue de l’Europe, c’est la traduction » (Umberto Eco) Le gouvernement des langues de l’Europe, entre mondialisation et « tournant numérique » : le cas de la plateforme « ARTE Europe »
« La langue de l’Europe, c’est la traduction » (Umberto Eco) Le gouvernement des langues de l’Europe, entre mondialisation et « tournant numérique » : le cas de la plateforme « ARTE Europe »
- Hartemann, Aline (Centre Marc Bloch, Berlin)
Abstract
Ce mot de Umberto Eco expose clairement les enjeux de la politique des langues en Europe, son lien avec les Etats-nations, et sa configuration au sein du projet de plateforme linguistique numérique mise en place dès 2015 par la Commission Européenne via la chaîne de télévision ARTE, « ARTE Europe ».
La mondialisation amène à repenser les missions nationales de l’Etat et conduit parfois à une « dénationalisation » de certaines fonctions nationales, qui se reconfigurent alors d’une manière nouvelle, comme le souligne Saskia Sassen[1]. Le gouvernement des langues est touché par le phénomène et la Commission Européenne, déjà dotée d’un « cadre européen commun de référence pour les langues »[2], a mis en place, par la voie des ondes, un programme linguistique et une plateforme en ligne européens basés précisément sur la traduction et comprenant deux phases : la traduction de programmes d’ARTE vers l’anglais et l’espagnol, dès novembre 2015, puis en 2017 vers l’italien et le polonais, au moyen de sous-titres, d’une part, et d’autre part, l’expérimentation du « fansubbing », ou « sous-titrage collaboratif », afin de faire entrer d’autres langues, en sus, dans le giron de la plateforme ARTE EUROPE.
Le « fansubbing » est le fruit de la mondialisation et des outils numériques : il est rendu possible grâce, à la fois, aux technologies du numérique et à la circulation des langues via des séries diffusées en linéaire sur les écrans de télévision, et en streaming sur le Web. Il est bien connu des amateurs de séries : une communauté d’internautes propose la traduction, sous forme de sous-titres, souvent réalisée en un temps record, des dialogues d’une série, dans des langues de réception ; rapidité d’exécution, de diffusion et travail collectif étant facilités par le Web. Mais il est objet de controverses : quid de la qualité des versions linguistiques proposées ? Outre le fait que la loi ne l’encadre encore que partiellement, il s’agit-là de traduction non-professionnelle. La traduction ferait donc l’objet de disparités, au sein de ce programme financé à 60% par la Commission Européenne, qui se prévaut de « mettre en valeur la diversité linguistique européenne et d’élargir la circulation des programmes audiovisuels en Europe » comme le souligne le communiqué d’ARTE[3]. Les langues allemande, française, anglaise, espagnole, polonaise et italienne relèveraient donc de traducteurs professionnels, et les autres, livrées au « fansubbing », de traducteurs amateurs ? C’est le problème que soulève la présidente de l’Ataa (Association des Traducteurs et Adaptateurs de l’Audiovisuel) : « cela reviendrait-il à dire qu’il y aurait donc des langues mineures, qui méritent moins de professionnalisme ? »[4]
Cette controverse concernant la traduction pour « ARTE Europe » soulève trois questions principales, que nous souhaitons aborder dans notre communication qui s’appuie sur une étude sociologique empirique du fonctionnement de la chaîne, à l’aide d’entretiens et de phases d’observation ethnographique : quelle politique des langues mettre en œuvre au niveau européen, de la part des Etats et de la Commission Européenne ? Ainsi, la chaîne explique-t-elle dans le communiqué de presse du 29.09.2016 que « les programmes ainsi disponibles en quatre langues sont compréhensibles par 55% des téléspectateurs dans leur langue maternelle », rallumant le débat entre langues majoritaires et minoritaires. Par ailleurs, les outils audiovisuels et numériques, permettant la diffusion, la collaboration, la mise en réseau, sont-ils garants, voire des promoteurs, du respect de la diversité linguistique ? Enfin, le programme ARTE EUROPE, que la Commission Européenne finance et met en exergue, n’est-il pas davantage un « élément de communication» politique -qui a fait notamment l’objet d’une déclaration commune au Conseil des Ministres franco-allemand de Berlin en mars 2015- plutôt qu’une expérimentation majeure en termes linguistiques ? En effet, cette expérimentation ne concerne que 600 heures de programmes, quand une année de programmes de télévision en comporte en moyenne 8000, diffusées en allemand et en français.
[1] Saskia Sassen, Le tournant global des sciences sociales, A. Caillé et S. Dufoix, dirs., « Territoire, autorité, droits : nouveaux assemblages », Bibliothèque du MAUSS, 2013.
[2] Conseil de l’Europe, « Cadre européen commun de référence pour les langues » http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/cadre1_fr.asp
[3] Claude-Anne Savin, « ARTE teste le sous titrage collaboratif », Communiqué d’ARTE GEIE, 29.09.2016.
[4] Jérémie Maire, « Quand ARTE teste le sous titrage collaboratif, les pros se rebiffent », Telerama, 06.10.2016.
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