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Politique du faillible : la fragilisation financière du secteur public

  • Juven, Pierre-André (IFRIS – Cermes3)
  • Lemoine, Benjamin (CNRS – Paris Dauphine)

Abstract

Universités en « faillite » et en quasi-cessation de paiement, hôpitaux gravement endettés et menacés de fermeture, États au bord du gouffre, en situation d’insolvabilité, condamnés à des plans d’économie sans concessions ou poursuivis en justice par des créanciers procéduriers refusant de renoncer à leur dû… Les services publics sont devenus financièrement vulnérables et « faillibles ». L’ombre de leur restructuration, voire de leur liquidation totale, plane de façon permanente sur la gestion de ces organisations qui doivent en conséquence réduire drastiquement leurs dépenses et prestations. L’application aux entités publiques de la notion de faillite, traditionnellement réservée à des organismes privés, s’est ancrée dans le sens commun. Cette mise en équivalence n’a pourtant rien de naturel. Cette intervention propose de rendre compte du processus ambivalent qui fait de la faillite un horizon tangible et structurant pour les services publics – qu’il s’agisse d’une collectivité locale, d’une université, d’un hôpital ou d’un Etat – tout en évitant de doter les entités publiques des capacités juridique de cette faillite. Introduits par touches et réformes successives, des mécanismes contractuels, marchands et devant conduire à l’autonomie des services publics ont rongé progressivement la différence de nature entre entités publiques et organismes de droit privé et imposé l’idée que les unes comme les autres pouvaient faillir et disparaître parce que ruinées, inefficaces, non performantes ou encore insoutenables. La construction de cette faillibité a assigné des responsabilités: la faute incombait aux gestionnaires n’ayant pas assez anticipé les ajustements nécessaires, aux fonctionnaires de terrain trop dispendieux ou trop peu responsabilisés, ou encore aux usagers dont les exigences devaient être révisées à la baisse.