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État social et loi El Khomri : quels enjeux

  • Ramaux, Christophe (Université Paris I)

Abstract

La crise ouverte en 2007 est celle du nouveau régime d’accumulation néolibéral qui s’était imposé à partir de la fin des années 1970. Ce régime visait à remettre en cause chacun des quatre piliers de l’État social : tentative de privatisation de la protection sociale et des services publics, flexibilisation du droit du travail et réorientation des politiques économiques (budgétaire, monétaire, industrielle, commerciale, politique des revenus, etc.) dans un sens néolibéral. Dans les faits, la remise en cause a été plus ou moins importante selon les piliers et les pays. Si l’État social est loin d’avoir disparu (Ramaux, 2012), c’est par l’entremise du pilier politique économique que le nouveau régime néolibéral s’est largement imposé, la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la contre-révolution fiscale formant son « noyau dur ».

Dès le début des années 1980, avec la récession marquée qu’ont connu les pays industrialisés, en particulier les États-Unis, il est apparu que ce régime n’était pas viable. Dans nos sociétés salariales, la compression des salaires (directs et indirects) conduit à un choc négatif de demande. Pour contrebalancer cet effet récessif, les États sont intervenus dès le milieu des années 1980, en particulier aux États-Unis, sous la forme de politique de relance monétaire et/ou budgétaire. Cet interventionnisme largement surdéterminé par le régime néolibéral s’est traduit, la finance libéralisée y trouvant amplement son compte, par une très forte hausse de l’endettement privé (des ménages, mais aussi des entreprises) et cela dès les années 1980 (cf. notamment Cecchetti, Mohanty et Zampolli, 2011 ; Aglietta et Brand, 2013).

La grande crise ouverte en 2007 marque la crise de ce régime tiré par les dettes privées. Afin que la Grande Récession ne se transforme pas en Grande Dépression, les États (États-Unis et Chine en tête) ont déployé des politiques budgétaires ou monétaires d’ampleur.

A compter de 2010, les pays de la zone euro – à l’inverse des États-Unis, du Japon ou bien encore de la Chine et finalement contre l’avis même du FMI – ont opté pour des politiques d’austérité budgétaire et salariale (via une flexibilisation du droit du travail).

Partant de ces contrastes, la communication s’emploiera à montrer les trajectoires contrastées suivies par les économies développées depuis 2008 (en particulier européennes), en matière d’évolution de la dépense publique.

La dépense publique met en jeu deux des quatre piliers de l’État social (protection sociale et service public). En s’appuyant sur la base de données de l’OCDE, on s’attachera à préciser le rôle des « contributions publiques » à la croissance dans les principaux pays développés depuis 2008. La « contribution   publique » retenue sera définie au sens large en prenant en compte cinq volets : 1/ l’investissement public ; 2/ les transferts sociaux en nature de produits marchands (remboursements de médicaments et consultations libérales, allocation logement…); 3/ les services publics individuels (transferts en sociaux de produits non marchands : éducation, hôpital…) : 4/ les services publics collectifs (dépense de consommation collective des APU) ; 5/ les prestations sociales en espèces. L’analyse portera en conséquence non seulement sur l’investissement public et la « dépense de consommation finale des APU » (2 à 4), comme cela est traditionnellement fait, mais aussi sur les prestations sociales en espèces (retraite, chômage…) qui supportent une part non négligeable de la « dépense de consommation finale des ménages ».

On montrera notamment à cette occasion que c’est grâce à la dépense publique qu’un pays comme la France a pu échapper à une nouvelle récession marquée depuis 2012.

Indications bibliographiques

  • Aglietta M. et Brand T. (2013), Un New deal pour l’Europe, Odile Jacob.
  • Cecchetti S., Mohanty S. and Zampolli F. (2011). “ The real effects of debt ”, BIS Working Papers, Monetary and Economic Department, n°352, September
  • Duménil G. et Lévy D. (2011), The Crisis of Neoliberalism, Harvard University Press,
  • FMI (2012), World Economic Outlook.
  • Ramaux C. (2012), L’État social, Mille et une Nuits – Fayard.