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›  Le rôle du politique dans la judiciarisation des conflits collectifs en Belgique. Évolution du « droit de grève » dans les débats parlementaires fédéraux depuis 1987

Le rôle du politique dans la judiciarisation des conflits collectifs en Belgique. Évolution du « droit de grève » dans les débats parlementaires fédéraux depuis 1987

  • Demertzis, Vaïa (CRSIP)

Abstract

Depuis l’affaire Sabena en 1987 qui vit l’employeur saisir le tribunal de première instance pour  juger du caractère « déraisonnable » d’une grève, l’implication des tribunaux dans la résolution des conflits sociaux interroge la place du « droit de grève » en Belgique.

A l’origine, le droit social belge rejette toute intervention judiciaire en matière de contentieux social. Les conflits collectifs sont à régler entre les parties, dans le cadre des procédures de concertation sociale. Dès la fin des années septante toutefois émerge une stratégie patronale destinée à situer les grèves dans une sphère juridictionnelle en vue d’obtenir un règlement du conflit soit plus rapide, soit plus favorable à l’employeur. C’est par le biais des droits subjectifs de l’employeur – et donc des juridictions civiles – que s’opère alors la judiciarisation des conflits sociaux. Progressivement, une jurisprudence déclarant les tribunaux civils compétents en cas d’atteinte à la liberté de travail, au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre se constitue. Elle porte sur les actes détachables de la grève, en particulier les piquets bloquants, et prend appui sur la notion d’ « ordre public ».

Cette stratégie patronale, qui a bénéficié d’un certain soutien de la magistrature, s’est également accompagnée d’une mise à l’agenda politique de la confrontation entre le « droit à l’action collective » et les divers droits subjectifs, qu’il s’agisse de droits individuels fondamentaux tels que le droit de propriété ou de droits découlant du contrat de travail individuel, notamment dans le cadre de piquets de grève. Le récent dépôt de propositions de loi relatives à la liberté de travailler qui oppose le « droit de grève » au « droit au travail » témoigne de cette problématisation.

La présente communication, basée sur un corpus de propositions de loi et de résolution qui n’ont parfois jamais atteint l’agenda parlementaire, analyse comment la perception du droit de grève a évolué dans les débats parlementaires fédéraux belges (Chambre et Sénat) depuis 1987. Elle teste l’hypothèse de la variable politique dans la progressive mise à l’agenda public de l’opposabilité des droits collectifs et individuels dans le cadre des conflits sociaux.