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›  La négociation collective « sans peine ». La loi El Khomri et l’avenir de la démocratie d’entreprise en Europe

La négociation collective « sans peine ». La loi El Khomri et l’avenir de la démocratie d’entreprise en Europe

  • Mariscal, Vincent (Université catholique de Louvain)

 

Abstract

La loi El Khomri, ou loi travail1, s’est imposée en France le 4 août 2016, soit trente-quatre ans exactement après la loi Auroux sur la liberté d’expression des travailleurs2. Comme Jean Auroux, la Ministre a eu la double ambition de refonder le droit du travail et d’agir en faveur de la démocratie d’entreprise.

Cette communication présentera une analyse discursive systématique de la loi travail en regard avec les lois Auroux3, dans le but d’examiner l’évolution du lien entre code du travail et dialogue social. Nous verrons que la loi El Khomri va dans le sens de l’allègement des contraintes pesant sur les employeurs, afin de faciliter la négociation collective4. Nous montrerons que cette loi va à rebours des lois Auroux, si modérées fussent-elles, dans sa définition de la démocratie d’entreprise5 et nous donne un aperçu de l’avenir de cette dernière en Europe. La démocratie semble réduite à la définition de ses modes de scrutin, et paraît donc davantage vue comme un évènement que comme un modèle social et politique sur la base duquel l’entreprise fonctionnerait en permanence.

Nous verrons que la réforme, en diminuant le poids étatique dans les négociations entre employeurs et partenaires sociaux, est dans la veine du néolibéralisme en excluant d’agir sur le rapport de force employeurs/travailleurs. Pourtant, une inégalité de fait existe, le salaire dépendant de l’entreprise, ce qui est l’un des principaux obstacles à toute négociation équitable en l’absence de contraintes légales6. L’égalité employeurs/travailleurs serait donc vue comme une évidence et la loi ne paraît pas tenir compte, tout comme le management contemporain, de ses modalités sociologiques et politiques7. Ainsi, la loi El Khomri rendrait plus complexe l’expression des travailleurs et lui imposerait de nouvelles limites, en plus de celles induites par un contexte de crise durable8. Si la loi travail ne donne pas tout pouvoir aux employeurs, elle se caractérise néanmoins par des formulations approximatives, que nous analyserons, permettant de contourner les règles édictées.

La loi travail prétend, finalement, innover par la création d’une liste d’outils individualisant le rapport des travailleurs à leur emploi et elle neutralise ainsi, une fois de plus, l’action collective9.

  1. Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
  2. Loi n°82-689 du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise. Loi dite loi Auroux. L’autre référence souvent citée est celle à la nuit du 4 août 1789 où l’Assemblée constituante mit fin au système féodal en France.

 

Texte de la communication