Regout S., « La politique britannique de libre circulation des travailleurs européens de l’Est en période de crise » (ST 8)

Regout S., « La politique britannique de libre circulation des travailleurs européens de l’Est en période de crise » (ST 8)

Sybille Regout (Université Libre de Bruxelles)

A l’occasion de l’élargissement de l’Union européenne de 2004, la grande majorité des Etats Membres ont décidé de restreindre la libre circulation des travailleurs des huit nouveaux membres d’Europe Centrale et Orientale. Le Royaume-Uni a été une exception : il a ouvert son marché du travail dès 2004, en raison d’un engagement envers une vision libérale du Marché Unique, et d’un fort besoin en main d’œuvre peu qualifiée. Cependant, dès 2006, la politique anglaise connait un tournant. La presse s’empare des premières statistiques d’immigration, 40 fois supérieures aux prévisions initiales. Dans un contexte économique de plus en plus révélateur d’une crise, la figure du travailleur d’Europe de l’Est devient progressivement le bouc émissaire d’un malaise plus profond du marché du travail. La libre circulation des travailleurs européens devient alors un enjeu électoral pour la gauche de Blair et Brown. Lors de l’élargissement de 2007, ils adoptent des restrictions à la libre circulation des travailleurs bulgares et roumains. Cette thématique restrictive sera ensuite récupérée par la droite en 2010, pour devenir l’un des fers de lance de l’actuelle campagne électorale de David Cameron, sous l’angle des restrictions des bénéfices sociaux liés au travail. D’une politique d’ouverture affichée en 2004, le Royaume-Uni a donc basculé en quelques années vers un discours restrictif et anti-européen. Ce papier vise à analyser ce changement de la politique anglaise en matière de libre circulation des travailleurs de 2004 à 2014, avec une attention particulière portée à l’impact de la crise économique sur cette évolution. Il se base sur les résultats du terrain « Royaume-Uni » effectué d’avril à juin 2011 dans le cadre de notre thèse de doctorat intitulée « European Union, States and Markets. The 2004 EU Enlargement and the Free Movement of Workers », dont la défense est prévue pour septembre 2014. Ces données empiriques incluent 23 entretiens semi-directifs avec des acteurs politiques et économiques ayant participé à la prise de décision (ministères, Gouvernement, Parlement, délégation auprès de l’Union européenne, syndicats et patronats), une étude de documents internes datés de 2001 à 2007, ainsi qu’une analyse de presse. Par cette investigation empirique, nous entendons nous centrer sur la dynamique de changement institutionnel selon l’approche néo-institutionnaliste de Streeck et Thelen (2005).

Section thématique 8 : Immigration dans la crise ou crise de l’immigration ?
Session 2, jeudi 10 avril 2014, 10h00-12h30