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Della Puppa F. et Salvador O., « Le regroupement familial : Un droit en crise ? » (ST 08)

Della Puppa F. et Salvador O., « Le regroupement familial : Un droit en crise ? » (ST 08)

Francesco Della Puppa (Ca’ Foscari University in Venice, Italie)

Ottavia Salvador (Ca’ Foscari University in Venice, Italie)

Cet article explore l’impact de la crise économique sur les routes du regroupement familial, en particulier, sur la reconnaissance (par les institutions et les organismes) et la réalisation (de la part des familles immigrantes) du droit à l’unité familiale. On présentera les résultats de la recherche PRIN 2009 (MIUR – Ministère de la Recherche et de l’Education, Italie) « Réunification familiale, le genre, les droits stratifiés. Pratiques et stratégies de genre pour la reconstruction de la citoyenneté » afin d’étudier comment les immigrés reconstruisent l’unité de la famille et les stratégies mises en place pour atteindre et maintenir les exigences de la législation progressivement limitée.

L’enquête est basée sur la collecte de soixante-dix interviews en profondeur entre 2011 et 2013 dans la pro- vince de Venise. L’exploration du territoire a eu lieu retraçant la forme concrète, sociale et politique, d’un droit à l’unité familiale décliné localement, rencontrant différents groupes de personnes qui sont en relation hiérar- chique : les organes périphériques de l’Etat, les Communes dans leurs projets, les organisations non lucratives affiliées, la société civile et les familles immigrantes. Un champ de forces, un système de relations qui sont configurés et transformés selon les positions respectives et les différentes capacités.

L’interaction entre les pratiques administratives, les organismes politiques locaux et les immigrants créent un champ-territoire mutable et difficile à définir : la gravitation de ces trois niveaux provoque des stratégies, tactiques, confrontations et conflits. Cette dynamique fragmente le champ, crée des tensions, des chemins in- dividuels, mais elle transforme également le processus de réalisation des différentes pratiques dans les proces- sus de signification qui vont au-delà du « ici et maintenant » de la bureaucratisation.

L’hypothèse est que ces personnes se déplacent dans les espaces de la discrétion et autonomie par rapport à l’évolution des contraintes, limites, restrictions qui précèdent, accompagnent et mettent en danger le re- groupement familial, en soulageant le sort du provisoire qui dure ; puisque l’unité de la famille n’est jamais re- construite d’une façon définitive, mais conquise sans cesse et maintenue dans le temps, ainsi qu’une partie du processus de citoyenneté qui la croise en déterminant la qualité. Un domaine très dynamique, de transforma- tion et marqué par la crise actuelle.

La territorialisation du droit se dilate et se rétrécit dans une perspective jamais statique : récit par récit, nar- ration par narration, inégalité par inégalité. La crise économique oblige à d’autres oscillations, transforme ce droit à un droit en crise, en soumettant à un nouvel examen préventif par les institutions et les organismes. Même lorsque la réunion a eu lieu avec un fort sentiment de responsabilité pour la réalisation des conditions, le chômage même temporaire et la réduction des heures de travail mettent en danger le maintien, rendant le temps de l’unité familiale comme jamais atteint pleinement. Même pour les familles qui se sont depuis longtemps stabilisées et qui avaient investi dans une maison pour l’avenir, surtout pour leurs enfants, et qui se trouvent, encore une fois, face à un éventuel retour ou une seconde migration. Cela risque de se reproduire encore ce fois puisque ces familles se trouvent de nouveau à faire face au conditions de travail empirées, à une forte instabilité, à des périodes plus au moins longues de chômage, au travail au noir comme une alternative invisible à la survie.

La question de l’expérience de la réunification est mise encore une fois en discussion à cause du risque de perdre d’autres droits acquis : un travail régulier, le permis de séjour. Le droit à l’unité familiale vacille, parfois son existence se joue aussi du point de vue juridique ; même la possibilité d’acquérir le droit de citoyenneté s’éloigne, si elle n’est pas encore réalisée.

Comme une métaphore et un drame réel, la maison : vendue aux enchères, familles expulsées, déménagements imminents (mais où ?). Des maisons comme des nœuds à délier pour permettre à l’expérience du regroupement de devenir une étape importante pour la construction de la reconnaissance et pour la possibilité de « se sentir chez soi » ; des maisons envahies par la crise et par ses contradictions, sans perspectives pour l’avenir. Des maisons pour une unité familiale qui même si elle s’était consolidée, elle est prise dans un tourbillon et va être entrainée ailleurs, à nouveau.

Section thématique 8 : Immigration dans la crise ou crise de l’immigration ?
Session 1, jeudi 10 avril 2014, 10h00-12h30