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L’ABSP› Lebrou V., « L’européanisation par les indicateurs : entre mise en concurrence et gouvernance par les résultats » (ST 4)
Lebrou V., « L’européanisation par les indicateurs : entre mise en concurrence et gouvernance par les résultats » (ST 4)
Lebrou V., « L’européanisation par les indicateurs : entre mise en concurrence et gouvernance par les résultats » (ST 4)
Vincent Lebrou (Université de Strasbourg, France)
L’alignement des objectifs de la politique régionale de l’Union européenne (PRUE) sur ceux énoncés par la stratégie de Lisbonne s’est traduit par l’instauration d’un indicateur destiné à mesurer la part des projets financés par les fonds structurels européens et consacrés à l’innovation et à la compétitivité. Confirmé en prévision de la prochaine période de programmation, ce rapprochement poursuit la relégation au second plan de l’objectif initial de réduction des inégalités entre régions de la PRUE au profit d’un impératif de compétitivité. Ce glissement s’inscrit de manière générale dans un changement de paradigme culturel amorcé au tournant des années 2000 et qui consacre l’abandon progressif de la logique fondatrice du projet communautaire d’harmonisation des législations nationales au profit d’un impératif de différenciation, « supposée faire de la diversité un avantage concurrentiel » (Bruno, 2008).
Sur un plan méthodologique, la gestion par le chiffre que semble attester la multiplication des classements destinés à hiérarchiser entre eux les différents acteurs de la politique régionale laisse imaginer un second niveau de familiarité, moins explicite, entre les outils de la stratégie de Lisbonne, au premier rang desquels figure la Méthode ouverte de coordination (MOC), et ceux de la politique de cohésion communautaire. Conformément à la pratique de l’étalonnage comparatif (benchmarking) et plus globalement à la continuation du processus communautaire par des méthodes plus « ouvertes », le champ de la PRUE se structure autour d’un certain nombre d’enjeux incarnés par une grande variété d’indicateurs destinés à optimiser les modalités de sa mise en œuvre aux échelons nationaux et locaux. L’objectif de cette communication n’est pas tant d’énumérer ou de décrire de façon exhaustive ces indicateurs que d’appréhender la consistance sociale qu’ils contribuent à donner à l’espace dans lequel ils sont mobilisés. Cela implique en premier lieu de ne pas considérer les indicateurs mobilisés comme des outils neutres de description du processus d’européanisation à l’œuvre mais bien plus comme des instruments de (re)découpage de la réalité sociale (Boussard, 2001). Plus encore, l’analyse des conditions de leur mobilisation – qui s’en saisit, dans quelle situation et pourquoi – doit nous aider à mieux comprendre comment et jusqu’à quel point ils contribuent à solidifier la nature des interactions constitutives du processus d’européanisation à l’œuvre dans le cadre de la PRUE.
Dans le sillage des travaux d’Alain Desrosières sur l’ambigüité des indicateurs, « sorte de composite hybride, réunissant la mesure au sens des sciences de la nature, et le signifiant, au sens de la linguistique » (Desrosières, 1997) nous chercherons à démontrer qu’ils construisent ces liens d’interdépendance qu’ils sont censés décrire. Nous reprendrons pour cela l’hypothèse de la circularité entre représentations des acteurs, modalités de l’action publique et outils de description de la réalité : pour saisir pleinement ce que les indicateurs instituent en terme de réalité sociale, il convient d’envisager simultanément dans notre réflexion les liens existant entre les indicateurs considérés, les dispositions des acteurs qui se saisissent de ces outils et la façon dont ils vont le traduire en terme d’orientations politiques globales. Ils ne constituent pas de simples instruments de description de la réalité telle que la dessine la politique de cohésion mais sont bien plus une porte d’entrée privilégiée pour comprendre la nature des interdépendances que la construction européenne continue de tisser.
Nous reviendrons dans un premier temps sur les conditions de mobilisation de cette pratique du benchmarking. Loin de constituer un processus aux effets mécaniques et descendants reliant de façon directe autorités communautaires et gestionnaires locaux des fonds européens, la mise en indicateurs de la PRUE fait au contraire l’objet de luttes pour sa définition mettant aux prises des acteurs désireux de renforcer leur positionnement dans leurs espaces respectifs. Dans cette perspective, nous constaterons que loin de constituer l’apanage des autorités communautaires, la généralisation du benchmarking fait intervenir des autorités étatiques qui y voient un moyen de renforcer leur positionnement dans le cadre d’une « seconde révolution bureaucratique » (Le Galès, Scott, 2008) dont les fonds structurels européens constituent un vecteur important de légitimation.
Nous nous intéresserons dans un second temps aux modalités et incidences de l’ouverture d’un « espace de comparabilité » (Vauchez, 2008) qu’implique la mobilisation régulière d’indicateurs. Outre la mise en concurrence des territoires et institutions concernés à toutes les étapes de la mise en œuvre de la PRUE, la mobilisation de ces indicateurs entraîne mécaniquement la mise en lumière de retards et défauts de gestion dont la correction est rendue impérative par cette même mise en chiffre et l’effet d’émulation qu’elle entraîne. L’injonction à la compétitivité qu’ils contiennent – ne pas être décroché par les autres régions, ne pas être considérée comme une région à risque – rejaillit ensuite directement sur le lien que les fonds communautaires vont contribuer à recomposer entre autorités gestionnaires et organisations bénéficiaires. Celles-ci sont invitées à rationaliser leurs modes de fonctionnement et de gestion au risque de se voir privées de la possibilité de solliciter les fonds communautaires, participant ainsi au processus de responsabilisation des organisations bénéficiaires de programmes publics et au glissement progressif vers un Etat social actif (Dubois, 2012).
Section thématique 4 : « Unis dans la diversité » ? L’intégration européenne en questions
Session 1 : Où va la gouvernance européenne ? L’Européanisation entre nouveaux instruments et vieilles tensions, jeudi 10 avril 2014, 10h00-12h30
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