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Angelini L., « La socialisation des officiers militaires au sein du personnel européen en poste à Bruxelles » (ST 4)

Angelini L., « La socialisation des officiers militaires au sein du personnel européen en poste à Bruxelles » (ST 4)

Lorenzo Angelini (Université Libre de Bruxelles, Belgique)

Le lancement par l’UE de sa Politique de sécurité et de défense commune (PSDC,anciennement PESD), au début des années 2000, a marqué le début d’une présence d’officiers militaires au sein du personnel européen en poste à Bruxelles. L’État-major de l’UE (EMUE), en particulier, emploie environ deux cents officiers militaires qui travaillent au service de l’UE pendant la durée de leur mandat de trois ans. La structure ayant été intégrée au Service européen d’action extérieure (SEAE) lors de la création de ce dernier, les officiers militaires de l’EMUE travaillent et interagissent régulièrement avec le personnel civil des différents organes du service. La recherche proposée étudie ces relations entre militaires et civils au sein des institutions européennes. À travers une approche constructiviste, cette communication analyse l’impact de leurs interactions sur leurs préférences et idées respectives au sujet de l’UE et de ses relations internationales, en particulier vis-à-vis de la place et du rôle de l’instrument militaire dans l’action extérieure de l’Union. La recherche repose en premier lieu sur des entretiens réalisés avec les acteurs militaires et civils étudiés. L’auteur propose dès lors, dans le cadre de la ST, de présenter les résultats des entretiens effectués avec des officiers militaires de l’EMUE et de deux autres structures employant des militaires (le CMPD et le working group du Comité militaire de l’UE). Il ressort en particulier de ces entretiens que l’effet socialisant des structures dans lesquelles les militaires étudiés évoluent (ici, le SEAE et l’UE dans son ensemble) les a amenés à intégrer comme cadre normal et légitime celui de l’« approche globale » (comprehensive approach) de l’UE en matière d’action extérieure, approche dans laquelle l’instrument militaire n’est qu’un outil parmi d’autres et n’occupe dès lors pas de place privilégiée, y compris en ce qui concerne la gestion de crise (l’UE utilisant avant tout des outils civils aux différents moments des crises pour lesquelles elle agit, en particulier pour la prévention, la médiation et la reconstruction post-crise). On remarque ici une différence non négligeable par rapport à la façon dont les militaires travaillant pour l’OTAN (par exemple) se définissent et pensent l’étendue de leur rôle en matière de gestion de crise. En même temps, les militaires de l’EMUE étudiés réinvestissent eux-mêmes ledit concept d’approche globale afin de mettre en avant et diffuser une conception de leur rôle qui, tout en acceptant une place « en retrait » au sein du spectre des outils à la disposition de l’UE, insiste sur l’apport du militaire tant du point de vue pratique pour les missions UE (l’utilisation de ressources et de connaissances militaires dans la conduite d’opérations – qu’elles soient militaires ou non) que du point de vue de la réflexion en amont sur l’action extérieure de l’UE (l’utilité de l’expertise militaire de manière générale en ce qui concerne les réflexions de type stratégique). Dans un contexte de réduction presque généralisée des budgets de défense au niveau des États européens, les militaires de l’EMUE sont dès lors porteurs de certaines croyances construites à travers leur service à Bruxelles qui mettent en exergue et défendent le rôle particulier que peut – et, selon eux, doit – jouer le militaire dans les rapports qu’entretient l’UE avec son environnement international. Dans la lignée de l’axe proposé pour le premier atelier de la ST, cette communication présentera à partir de ces résultats la façon dont se construit au sein des institutions européennes le groupe social formé par les officiers militaires de l’EMUE, dont l’identité spécifique est notamment le fruit des mécanismes de socialisation à l’œuvre au sein du SEAE et de l’UE. Leurs préférences et visions au sujet de l’Europe de la défense, liées à cette identité spécifique, ne sont pas forcément les mêmes que celles de leurs collègues évoluant au niveau national (ou à l’OTAN). Vu le rôle joué par les militaires européens dans l’élaboration de la PSDC, cette dynamique à l’œuvre au sein des institutions européennes doit être prise au sérieux. Dans une même perspective, l’impact sur les civils du SEAE de leurs interactions avec les militaires sera également évoqué (l’influence desdits civils sur l’action extérieure de l’UE ne devant pas non plus être négligée). Globalement, il s’agira de jeter la lumière sur des membres du personnel européen jusqu’ici peu étudiés, ainsi que sur les mécanismes qui les amènent à développer une identité spécifique et des préférences particulières vis-à-vis de l’UE et de son action extérieure.

Section thématique 4 : « Unis dans la diversité » ? L’intégration européenne en questions
Session 3 La sociologie de l’Europe par ses acteurs – quoi de neuf ?, vendredi 11 avril 2014, 13h30-16h00