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Lutz F., « La FINUL à l’ombre du conflit syrien » (ST 17)

Lutz F., « La FINUL à l’ombre du conflit syrien » (ST 17)

Fanny Lutz (Université catholique de Louvain, Belgique)

Le Liban est depuis plusieurs mois en première ligne de l’onde de choc qui secoue la région et, plus particulièrement, qui frappe son voisin syrien. La proximité géographique et l’histoire qui unit le pays du Cèdre avec son ancienne puissance de tutelle pèsent lourd sur la sécurité de l’Etat. Dans un tel contexte, la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) déployée au Sud du pays depuis 1978 se trouve face à une forte dégradation de la situation politico-sécuritaire et une transformation du contexte au sein duquel elle est chargée d’opérer. D’une part, le pays tout entier vit au rythme de la crise syrienne et des affrontements violents ont éclaté au sein du territoire libanais, polarisant la population et ravivant les tensions communautaires larvées. D’autre part, l’armée libanaise s’est redéployée du Sud vers le Nord, plaçant les Casques bleus – qui ont une mission d’appui à l’armée – dans une situation de vulnérabilité.

En outre, par l’afflux d’armes qu’il provoque dans la région, le conflit syrien exacerbent les tensions entre Israël et le Hezbollah, mettant en péril le fragile cessez-le-feu conclu après la guerre de l’été 2006 et que la FINUL est chargée de surveiller. Non seulement, le « Parti de Dieu » aurait progressivement rapatrié ses armes cachées en Syrie craignant une chute de Bachar al-Assad, mais en plus, il aurait tiré profit des livraisons clandestines d’armes de technologie avancée, par les alliés du régime al-Assad, pour renforcer qualitativement son propre arsenal. Ces manoeuvres intensifient le dilemme de sécurité qui prévaut entre l’Etat hébreu et la milice chiite. Aussi, dans la perspective de restaurer l’équilibre stratégique menacé, Israël est intervenu en menant plusieurs raids aériens en Syrie afin de détruire ces convois d’armes sophistiquées. Obsédé par la crainte de l’anéantissement total, Israël considère en effet le Hezbollah comme l’un de ses ennemis les plus menaçants puisqu’il a été le seul adversaire arabe capable de remettre en cause le mythe de l’invincibilité de Tsahal. Il est en conséquence vital pour Israël de mener cette stratégie préventive et de frapper avant que son avantage militaire qualitatif ne soit perdu.

Au fur et à mesure du développement de la crise syrienne, il semble que les deux protagonistes aient multiplié les menaces et les actes de provocation, adaptant les règles du jeu qui prévalaient depuis 2006 aux nouvelles donnes apportées par le conflit syrien et violant par là même les dispositions de la résolution 1701 – et des résolutions qui y sont associées. Dans ce climat sécuritaire plus tendu que jamais, la FINUL voit sa mission compliquée et doit composer avec des parties de moins en moins enclines à coopérer. L’intervention européenne indirecte de soutien à la rébellion en Syrie pourrait encore détériorer les relations entre le Hezbollah et les Casques bleus au Sud Liban, étant donné la forte composante européenne du contingent de la FINUL.

Dans un premier temps, cette contribution cherchera à examiner l’impact du conflit syrien sur la mission de la FINUL et à mettre en lumière les défis qu’il pose à divers niveaux. Elle étudiera également la marge de manoeuvre dont dispose la mission onusienne sur les plans politiques et juridiques afin de s’adapter à ce nouveau scénario. Dans un second temps, ce papier entend mener une réflexion plus générale sur les opérations de maintien de la paix menées par l’ONU dans des situations inédites et imprévisibles. Face à une détérioration de la conjoncture politico-sécuritaire, comment la force onusienne peut-elle s’acquitter de ses obligations ? Doit-elle se résigner à l’impuissance ou, à tout le moins, revoir ses ambitions à la baisse ? Lorsque les conditions nécessaires au bon déroulement de la mission des Casques bleus ne sont plus respectées, comment le Conseil de sécurité peut-il réagir pour outrepasser le blocage auquel font face les Casques bleus tout en garantissant leur sécurité ? À quels outils peut-il avoir recours ? Doit-il conférer un mandat à une force multinationale pour agir en son nom ? C’est à ces questions que cette contribution tentera d’apporter des éléments de réponses en proposant quelques pistes de réflexion.

Section thématique 17 : Crises politiques et champ littéraire
Session 2 : Missions de paix, interventions internationales et contagions transfrontalières dans le contexte des crises du monde arabe, vendredi 11 avril 2014, 13h30-16h00