Theunissen F., « Les métallos, acteurs des temps présents. Analyse d’une initiative visant l’action commune » (ST 10)

Theunissen F., « Les métallos, acteurs des temps présents. Analyse d’une initiative visant l’action commune » (ST 10)

Fanny Theunissen (Université de Liège, Belgique)

Discutant : Corinne Gobin (Université Libre de Bruxelles, Belgique)

En avril 2013, les Métallurgistes Wallonie Bruxelles de la Fédération Générale du Travail de Belgique ont été à l’origine d’une initiative : « Acteurs des temps présents ». Regroupant des acteurs d’univers divers – monde syndical, culturel, agricole, associatif et académique – cette initiative est présentée comme visant à mener des actions communes pour résister à l’« envahisseur » (identifiés aux actionnaires ou aux barons de la finance du Fond Monétaire International, de la Banque Centrale Européenne, de la Commission Européenne et des banques privées), pour dénoncer les logiques de compétitivité, de productivité, de rentabilité et l’austérité qui frappent les citoyens, pour dresser le bilan de 30 ans de politiques libérales, pour atteindre le bonheur commun et enfin, pour renverser le modèle économique actuel. On peut faire remonter cette initiative des métallos à un contexte plus large de remise en question par ces derniers, des structures de la FGTB ou des autres centrales et des manières d’agir « habituelles » (les leurs ou celles des autres membres du syndicat). En effet, depuis un certain temps, deux constats semblent avoir été établis dans le rang des responsables métallos (et relayé par la suite par les militants). En premier lieu, les métallos semblent adopter un discours selon lequel ils ne seraient plus capables d’ « avancer seuls » dans leurs actions, sans l’appui des autres centrales ou encore des structures régionales ou fédérales de la FGTB. Un corporatisme métallo qui aurait des conséquences néfastes est dénoncé. Conscients de leur perte de puissance, tant au sein de la FGTB, qu’au sein des entreprises, ils ont pris la décision de chercher des alliés là où ils pourraient les trouver, quitte à dépasser les frontières de la structure syndicale. En deuxième lieu, les responsables métallos considèrent que les actions qu’ils mettent en place actuellement ou dans lesquelles ils s’inscrivent ne fonctionnent plus comme ils aimeraient qu’elles le fassent ou comme elles l’ont fait dans le passé. Ils semblent ainsi désireux de mettre en place d’autres manières d’agir qui dépassent le cadre professionnel. Cette mise en place d’autres manières d’agir est également justifiée comme visant à « gagner la bataille de l’opinion publique », à obtenir les faveurs des médias, ce qui n’est, d’après eux, pas le cas actuellement. En octobre, ces acteurs ont ainsi organisé une distribution de pommes de terre dans les rues de Namur et prévoient l’organisation d’une grande marche en Belgique en mars prochain pour aller à la rencontre de citoyens tout en se rendant sur des sites où il y a eu des fermetures. Dans le cadre de cette intervention, je reviendrai en détail sur ce mouvement, sur sa mise en place et sur son évolution. Je questionnerai cette initiative – présentée comme originale, nouvelle par certains et banalisée par d’autres – qui semble vouloir détacher ses membres de leurs appartenances collectives pour créer un mouvement inédit. Je tenterai également de mettre en lumière le contexte délicat de crise que vivent aujourd’hui les métallurgistes au sein de leur organisation syndicale ainsi qu’au sein des entreprises, contexte qui les a poussé à revoir leurs manières d’agir et leurs manières de s’allier. Je m’intéresserai enfin à l’accueil que les militants métallos réservent à cette initiative mise en place par les responsables de la centrale et portée par eux également.

Section thématique 10 : Les formes de la contestation sociale belge face aux crises
Session 1 : Crise socio-économique et contestation ouvrière/syndicale en Belgique, jeudi 10 avril 2014, 14h00-16h30