Qu’il adopte une stratégie de recherche qualitative ou quantitative, qu’il se situe dans une perspective ‘positiviste’ ou ‘interprétative’, le chercheur en science politique est toujours, et de plus en plus, inévitablement confronté soit à des objets d’étude dont l’impression d’appréhension immédiate est trompeuse, soit à des catégories d’analyse gorgées de sens commun et dont la charge émotionnelle ou idéologique n’est pas négligeable. Par conséquent, le politologue, confronté à son terrain, doit démêler un certain nombre de questions méthodologiques et épistémologiques (voire éthiques) sur lesquelles il doit nécessairement prendre position s’il veut pouvoir avancer dans sa recherche. Mais s’il a toujours fait partie du travail de la science politique d’entreprendre un effort de décorticage des concepts et notions mobilisés dans la parole et l’action publiques et sociales, travailler en lien avec des thèmes d’actualité dérobe bien souvent au chercheur le temps nécessaire au recul lui permettant d’entreprendre un tel travail. Travailler dans l’urgence de l’actualité nécessite donc d’entreprendre et de poser des méthodes de recherche à la fois différentes et innovantes.
Comment, en effet, manipuler des catégories forgées dans le sens commun ou homogénéisantes sans fournir un commentaire réducteur ? Que peut apprendre la science politique de l’observation participante et de la méthode ethnographique ? En travaillant dans l’urgence, « à chaud », comment se différencier du travail journalistique tout en devant parfois protéger l’anonymat de ses sources ? Comment gérer l’indépendance du chercheur dans des commandes publiques ? Que faire des anecdotes, maladresses et déconvenues qui surviennent au cours de l’enquête ? Comment récolter des données « à chaud », sur le terrain, lorsqu’un événement politique (par exemple une crise politique) ou une mobilisation (par exemple une manifestation d’ampleur inattendue) s’offrent comme objets de recherche ? Bien d’autres questions, à la fois conceptuelles et méthodologiques, méritent d’être posées. Et toutes font état de la façon dont le politologue a fondé sa méthode, ses concepts et ses catégories d’analyse ainsi que « sa manière à lui » d’aborder son objet d’étude. Il nous semble que ces questions, bien qu’elles constituent des préalables à une démarche scientifique rigoureuse, restent insuffisamment traitées en science politique.